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Fort Boyard : inquiétudes sur l’avenir de l’émission

Alexia Laroche-Joubert a lancé un cri d’alerte et interpellé les autorités publiques

Publié le vendredi 28 août 2020 (publié antérieurement le 8 juin 2020) par Guillaume COMONT - Rédacteur en chef dans la rubrique Actualités 2020.

        

Depuis vendredi dernier et l’interview d’Alexia Laroche-Joubert sur Europe 1 où la présidente d’Adventure Line Productions et productrice de Fort Boyard a fait part de ses inquiétudes pour l’avenir du jeu et du monument dans l’émission Culture médias de Philippe Vandel, le monde des médias est en ébullition.

En jetant un pavé dans la mare Alexia Laroche-Joubert espérait un geste de l’État pour que soit mis en place un fonds de soutien permettant de soutenir le secteur de l’audiovisuel qui a largement contribué à divertir les gens pendant le confinement et qui, selon, se trouve être aujourd’hui le « parent pauvre » du monde culturel.

Concernant Fort Boyard, elle a fait par de ses grandes inquiétudes quant à la tenue des tournages de la 31e saison, programmés sous huit jours au moment de l’interview, pour des raisons d’assurance : « Je suis inquiète. C’est rare que je parle comme ça, car je suis plutôt quelqu’un de colérique, mais maintenant je suis inquiète, Fort Boyard c’est un monument à la fois au sens figuré et au sens littéral, et ce monument est en péril. Je pars normalement dans huit jours commencer les tournages et actuellement il n’y a aucune assurance, c’est-à-dire que les assurances ont décidé de ne pas nous assurer. J’ai des millions en jeu, à tel point que si par hasard je ne peux pas tourner pour cause de Covid-19 parce que j’ai un, deux ou trois cas de Covid-19, c’est catastrophique. Adventure Line Productions peut mettre la clé sous la porte et ne plus jamais pouvoir diffuser Fort Boyard [...] Il faut savoir que Fort Boyard c’est une création française qui s’exporte. C’est aussi la possibilité de ne pas avoir des séries américaines... Parce que si moi je ne livre pas mes 11 émissions à France Télévisions, qu’est-ce qui va se passer ? Des rediffusions, de la série américaine, ce n’est pas possible. Je demande juste, au vu de la valeur patrimoniale de ce programme, au vu de de la valeur économique que représente globalement notre secteur d’activité qu’est l’audiovisuel, que le gouvernement se mobilise [...] J’ai eu un entretien avec une société qui s’appelle Aon, qui est le plus grand courtier mondial qui est basé en Angleterre, il ne nous assure pas. [...] On a alimenté les antennes pour divertir le public, il faut nous reconnaître notre responsabilité aussi dans l’aspect patrimonial, je ne dis pas culturel, même si on appartient au ministère de la Culture et je sais qu’ils militent aussi en cette faveur, mais au moins notre aspect populaire, on fait partie de la culture populaire et on est important au même titre que le cinéma ».

Quelques jours plus tard, c’est au tour d’Olivier Minne de monter au créneau dans une interview accordée au site actu.fr. Concernant les problèmes d’assurance des tournages de la 31e saison, il a estimé qu’ « il faudrait qu’il puisse y avoir des garanties pour continuer les tournages » ajoutant que « sur certaines émissions, il y a un investissement assez lourd dès le départ, comme pour certains films. Il faudrait qu’elles soient épaulées. Sur des émissions comme Fort Boyard, si le tournage devait ne pas avoir lieu, ce serait très compliqué pour la suite ».

Ce lundi 8 juin, c’est au tour du 12/13 du décrochage région de France 3 Poitou-Charentes de se faire le relais de cette situation dans un reportage complet : « L’année dernière, la célèbre émission a fêté ses 30 ans d’existence. Mais cette 31e édition s’annonce beaucoup plus difficile, la crise du coronavirus est passée par là. Les équipes ont été réduites, 100 personnes au lieu de 150 et les épreuves ont été adaptées pour respecter les gestes barrières. Il y a quelques jours, la directrice de la société de production a soulevé un autre problème [...] Face à cette situation, la productrice en appel à l’État pour qu’il prévoie un fonds de soutien. De son côté France Télévisions a augmenté sa participation financière pour absorber une partie des surcoûts exceptionnels. Chaque année la société de production fournit 11 émissions pendant l’été, accompagnées depuis l’an passé de huit émissions bonus en deuxième partie de soirée sur France 2 ».

Dans un article du Parisien Dimanche du 7 juin, des précisions ont été faites sur la participation de France Télévisions à l’élaboration de cette 31e saison. Alexandra Redde-Amiel, la directrice des jeux et divertissements de la chaîne, a déclaré : « On ne concevait pas un été sans ce jeu créé en 1990. Notre objectif, c’est de continuer à divertir, en faisant attention à la santé de tous. Si certaines mesures se voient à l’antenne, ce n’est pas un problème ». Mais malgré le geste de France Télévisions de financer à hauteur de 50 % les frais supplémentaires dus au Covid-19 pour tourner les onze primes qui seront diffusées dès juillet, la production ne rentrera pas dans ses frais cette année : « France 2 a tenu sa promesse, mais le budget a flambé. Ouvrir le fort a un coût monstrueux, qui n’est amorti que parce que des pays étrangers viennent chaque année tourner dans la foulée. Or, ils ont tous annulé… [...] Ce n’est pas rentable, mais il n’était pas envisageable que Fort Boyard ne soit pas là : c’est un rendez-vous de la vie des Français depuis trente ans ».

Le mercredi 10 juin, Olivier Minne était l’invité de l’émission Face aux médias sur la chaîne Non Stop People et répondait aux questions de Jacques Sanchez. Il est revenu sur les propos alarmants tenus par Alexia Laroche-Joubert vendredi 5 juin sur Europe 1 : "Disons qu’Alexia a souligné le fait que le tournage n’était pas assuré du fait que le Covid-19 n’est pas pris en charge par les assurances, il y avait le risque que, si jamais un moment donné on devait interrompre le tournage pour une raison sanitaire, dans ce cas-là ce serait une perte sèche pour la compagnie Adventure Line Productions et que cette perte sèche ne pourrait pas être récupérable.

Quelques jours après les tests techniques, répétitions et réalisation des deux filées artistiques pour le prime et la deuxième partie de soirée, la patronne d’Adventure Line Productions et productrice de Fort Boyard, Alexia Laroche-Joubert, confirme le 13 juin, dans les colonnes de Charente Libre (n°23457), que les tournages de cette session 2020 ne seront pas assurés pour les risques liés au Covid-19 puisqu’aucun assureur n’a souhaité les assurer : «  J’y vais apeurée. Le programme est assuré pour les risques habituels, mais pas si le Fort vient à fermer en raison du Covid-19  » [...] «  Ce programme représente 50 % de l’activité d’ALP. En cas de problème, je pense que vous ne le reverrez pas à la télévision ... » [...] « Nous sommes aussi importants que la fonction ou le cinéma. Pourquoi nous accorder une valeur moindre ? Des programmes comme ’Koh-Lanta’ ont diverti les gens durant le confinement. Et nous faisons travailler énormément d’intermittents... » [...] « Le port du masque est obligatoire. Certaines professions devront également porter des gants. La température sera prise chaque matin sur la base du volontariat. Tous les espaces communs et chaque épreuve seront désinfectés toutes les deux heures. Nous avons repensé toutes les zones de circulation du fort et une cellule a été attribuée à chaque équipe de techniciens » [...] « Toutes les épreuves de contact ont été suspendues » [...] « Nous pouvons embarquer 25 personnes par bateau contre 50 habituellement ». La productrice, qui espère encore sauver la Russie pour les tournages étrangers, se dit néanmoins « heureuse de produire de nouveau ce patrimoine de la culture populaire ».

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Lundi 15 juin, Julien Magne, le directeur des programmes de flux d’Adventure Line Productions, était interviewé par le quotidien Le Dauphiné Libéré. Il est revenu sur les conditions de tournages de cette 31e saison et a révélé quelques informations. Il a d’abord insisté sur l’importance de montrer l’exemple : « Nous sommes l’un des gros programmes télévisuels à reprendre le chemin des plateaux depuis la fin du confinement et nous avons donc un devoir d’exemplarité. On ne peut pas faire n’importe quoi », il a ensuite concédé que certaines mesures sanitaires se verraient bien à l’écran : « Pour certaines oui [...] comme le nombre de participants, ramené de six à cinq dans un souci de distanciation physique ». D’autres modifications dans la mise en scène ont également dû être prises comme le fait que Passe-partout, masqué en permanence, emmènera directement les candidats désignés devant les cellules : «  Grâce à ces modifications, 90% du temps les candidats ne porteront pas de masque  ». On apprend en revanche que Passe-Muraille ne portera presque jamais de masque et que, côté nouveautés, si Willy Rovelli ne fera plus de cuisine, « d’anciennes épreuves pourraient cependant faire leur réapparition ». Enfin, de petites modifications dans le règlement ont dû être aussi apportées pour la partie finale de l’émission dans la Salle du Trésor, distanciation oblige : « Elle a seulement été adaptée avec, notamment, l’interdiction de portées entre candidats ». Julien Magne s’est fait aussi le relais des inquiétudes émises par Alexia Laroche-Joubert dernièrement (voir plus haut) : « Le secteur du divertissement est en difficulté, comme beaucoup d’autres secteurs économiques, et on cherche évidemment des solutions ». Il conclut son interview en se réjouissant de la tenue des tournages : « L’émission fait partie du patrimoine télévisuel français. Pendant le confinement, on a vu l’importance de certains programmes pour permettre aux téléspectateurs de s’évader. Renoncer à ce rendez-vous estival, ce n’était pas possible ».

Interrogée par France Bleu le mardi 17 juin, Alexia Laroche-Joubert a donné de nouvelles précisions intéressantes sur les modalités du tournage en indiquant que quelques épreuves ont été annulées et que d’autres ont dû être réécrites pour pouvoir être réalisées en individuel et non plus à deux : « On a changé un petit peu la circulation dans le fort. On a mis en place un petit plateau qui permet d’avoir les réactions des candidats sur un de leurs coéquipiers qui fait une cellule », décrit Alexia Laroche-Joubert. On ne verra les candidats avec un masque qu’à leur arrivée et au moment de récupérer le trésor « . La productrice avoue également que si le confinement s’était prolongé de quelques jours, la saison aurait dû être annulée faute de pouvoir livrer à temps France Télévisions  : »On a eu des doutes sur notre capacité à sortir les émissions dans des délais possibles en sachant que ça demande énormément de travail, la production de ’Fort Boyard’. Je pense qu’on a pris la bonne décision, on a pris les bonnes décisions, mais c’est vrai qu’on a eu un peu chaud aux fesses, pour reprendre une expression un peu triviale« . Concernant le fonds de garantie qu’elle réclamait au début du mois sur Europe 1, elle résume : »J’’ai demandé à ce qu’on soit traité de manière égalitaire avec le cinéma et la fiction qui ont obtenu un fonds de garantie qui leur permet, en cas d’accident, d’être couverts alors que les assurances ont refusé de couvrir les tournages. Moi, ce que je dis, c’est qu’il n’y a pas de raison qu’on ne soit pas traité de la même manière alors qu’on remplit notre mission. D’autant plus pour le Fort Boyard, qui est un monument de la culture populaire française. On ne peut pas accepter de nous mettre en risque alors on a apporté un soutien très important au milieu du cinéma et de la fiction". Pour l’heure, l’opportunité d’un tel fonds de garantie est encore à l’étude par le gouvernement.

Jeudi 18 juin 2020, Alexia Laroche-Joubert était interviewée dans l’émission Par ici la sortie sur RMC. L’occasion pour elle de faire le point sur les tournages de Fort Boyard en cours : «  La question c’est qu’au moment où on se parle, je peux vous dire qu’on sera capables de livrer deux-trois émissions, mais je ne suis pas encore capable de livrer l’intégralité de la saison. Parce que si j’ai une problématique [...] nous ne sommes pas couverts . Le gouvernement ne se manifeste pas encore pour nous offrir la même garantie qu’au cinéma et la fiction. Donc au moment où on se parle je n’en sais rien. Je peux garantir la livraison de trois-quatre épisodes, la suite je n’en sais rien. [...] On demande un autre fonds de garantie. [...] Un fonds de garantie ce n’est pas de l’argent qu’on nous donne, on ne va piocher dans cet argent que s’il y a un sinistre. Là l’histoire c’est que moi si j’ai un sinistre Covid, si j’ai un cluster et que je dois arrêter de tourner, je ne peux pas reporter les tournages de ’Fort Boyard’ c’est trop compliqué. J’aurais perdu ma période et des stocks de diffusion sur ’France Télévisions’. Il y a un véritable risque. Je l’assume seule sur mes petites épaules. Et on ne comprend pas pourquoi des émissions aussi populaires ne bénéficient pas d’un soutien au même titre que de la fiction alors qu’on est diffusé sur les mêmes chaînes. [...] Vous imaginez que quand j’ai autant d’argent en risque et la responsabilité éventuellement de ne pas livrer la 31e saison de ’Fort Boyard’, j’ai mis tout en place en gestes barrières et je pense même que j’ai été plus loin que n’importe quelle entreprise sur l’établissement des gestes barrières. Tout ça a été mis en place et validé par le Préfet de Charente-Maritime ce qui nous a permis de tourner la saison. On fait ce qu’il y a de mieux pour le programme et de plus sécurisant pour nos employés. Quant au test on le propose spontanément à nos salariés, mais comme vous le savez on ne peut pas l’imposer, car là on se confronte à des problématiques de droit du travail. Donc on l’a proposé sur un principe de volontariat ». Le journaliste résume la situation et lui demande si chaque jour de tournage est une petite victoire et si demain elle croise les doigts et si ça se passe bien elle revient après-demain et dans le cas contraire tout le monde retourne sur le continent. « C’est exactement ça. On termine les tournages aux alentours de 23h et à 23h on m’appelle on me dit c’est bon c’est dans la boîte ».

Jeudi 2 juillet 2020, un article publié sur le site Internet du quotidien gratuit 20 minutes a levé le voile sur de nouvelles adaptations que la production a dû mettre en place pour s’assurer que le tournage ait lieu dans de bonnes conditions : « Masque, gel hydroalcoolique, mètre de distance, le petit kit désormais indispensable à tout bon citoyen qui se respecte était livré dès l’arrivée sur le parking [...] Sur le monument, la cantine a doublé de surface et Olivier Minne et le Père Fouras ont été traités de manière très attentive pour s’assurer qu’il y ait très peu de monde autour d’eux ». Concernant les épreuves, celle de Slaïme avec Cyril Féraud a été un vrai défi à relever pour l’équipe de production : «  Les cellules, qui ne dépassent parfois pas les 20 mètres carrés, doivent héberger, en plus des candidats, les cameramans et l’assistant-réalisateur. Pour une épreuve comme celle de Cyril Féraud, l’une des nouveautés de la saison, une douzaine de personnes doivent s’entasser dans la cellule, tout en restant cachées de l’œil des caméras.  ». Du côté de la Salle du Trésor, des aménagements ont aussi été mis en place pour limiter au maximum les contacts entre les candidats comme l’explique le réalisateur Francis Côté : « On a créé des séparations dans ce puits où le trésor tombe de manière à ce que chaque candidat ne touche pas les mains de l’autre ». Mais c’est du côté du montage que de vraies prouesses ont été réalisées afin que l’émission puisse être diffusée le moins tardivement possible : «  Pour relever le défi, la production a fait venir sur place son monteur en chef dès les phases de préparation et durant le tournage. [...] Alors même que l’intégralité de la saison n’était pas encore en boîte, on s’activait déjà du côté de Paris pour assembler les premières images  ». Francis Côté souligne : «  On a réussi à sauver quasiment huit à dix jours de montage grâce à ça  » et se réjouit : «  C’est chouette de pouvoir voir le montage d’une cellule que l’on a tournée la veille  », pensant même que l’expérience pourrait être renouvelée. Et malgré ce contexte particulier, des nouveautés ont été apportées également à la réalisation : « Fort Boyard, ce sont des heures de rushs pour une émission complète de 130 minutes. La production a pris le temps de tourner des plans supplémentaires nécessaires au montage et a fait appel à davantage de cameramans. Pour cette 31e édition, le programme s’est même offert un drone de course pouvant pointer à 130 kilomètres en moins de deux secondes. De quoi rendre fier Francis Côté : » C’est une grande première et je crois que ça va être une signature ".

Invitée de Philippe Vandel dans Culture médias sur Europe 1 le vendredi 28 août 2020, Alexia Laroche-Joubert, productrice de Fort Boyard, est revenue sur les problèmes d’assurance induits par la crise sanitaire et a apporté de bonnes nouvelles : « Je n’ai pas été entendue par les assureurs. En revanche le gouvernement s’est mobilisé, le CNC s’est mobilisé et la DGMIC (direction générale des médias et des industries culturelles : organe financier du ministère de la culture) et actuellement il y a un décret en cours de rédaction pour englober les programmes de flux et protéger nos futures productions et camarades. C’est un fonds de garantie, ça n’intervient donc qu’en cas de sinistre. On a tourné toutes les émissions, on a fait très attention car à l’époque on n’étaient pas assurés, les assurances fonctionneront dans le futur, et heureusement on a eu aucun cas. »


Vidéos : 2020 - © Europe 1 / France 3 Poitou-Charentes / Non Stop People

Podcast : © 2020 - France Bleu / Europe 1 / Capture : www.fortboyard.net

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