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L’homme qui voulut s’évader de Fort Boyard

Par Michel Letot, TV Magazine, juillet 1991

Publié le samedi 29 juillet 2006 par Aurélien LECACHEUR - Directeur de la publication dans la rubrique Revue de presse 1991.

        

Henri de Rochefort a dévalé le mur extérieur le long d’une échelle de corde. La mer déchaînée empêche le canot complice d’approcher. Ce journaliste-polémique restera dans cette base, construite par Napoléon et devenue une prison. Les candidats du jeu d’Antenne 2 ne sont pas les premiers à avoir relevé les défis de la forteresse de la mer.

A peine arrivé, épuisé par 6 mois d’emprisonnement à Versailles, dans le quartier des condamnés à mort, et transbahuté sur une cannonière depuis La Rochelle, il a été conduit à l’infirmerie de la sinistre citadelle. Il n’a pas hésité et, flanqué de Grousset, ils ont décidé de s’enfuir. La femme de Rochefort, qui l’a suivi jusqu’à La Rochelle, s’est mise d’accord avec le capitaine d’un brick norvégien en partance. Il a accepté de prendre à son bord les 2 fugitifs. Cette nuit là, hélas, les vagues empêchent le canot d’approcher du pied de la forteresse et les 2 prisonniers attendent en vain le signal de leur délivrance. Au retour, l’un des marins tombe à l’eau et se noie. La découverte de son corp sur une plage de l’île d’Oléron va renforcer les mesures de sécurité.

Un journaliste du « Figaro », qui visite Fort-Boyard, le compare à l’enfer de Dante ! Pourtant, le directeur de la prison semble accomodant avec ses prisonniers. Il les ravitaille en tabac, en vivres, destinés à améliorer l’ordinaire. Ils ont le droit de se réunir et de se promener sur la terrasse. Ils peuvent recevoir la visite de leur famille à condition , pécise le règlement, que le commandant de dépôt soit à jeun (mais oui !) et que la mer soit calme ! Comme si Fort-boyard était devenu le 3 étoiles de la détention, les prisonniers s’y bousculent. On manque de place ! Tant et si bien que, comme d’autres, Rochefort, après sa tentative d’évasion est transféré à la citadelle du chateau d’Oléron, puis à l’île de Ré et en Nouvelle Calédonie. Il ira jusqu’au bout de son rêve de liberté en s’évadant, avec Grousset, en 1874, sur un navire Anglais.

Pendant ce temps - et pendant 40 ans - Fort-Boyard devient un ilôt de la défense passive. On n’y trouve plus que 6 militaires, flanqués de quelques civils, pour surveiller la ligne de torpille immergée dont on peut provoquer l’explosion depuis le Fort à l’arrivée d’un navire ennemi. Plus les années passent, plus le futur décor de l’émission d’A2 est laissé à l’abandon. En 1910, on y rencontre plus que 3 hommes, dont un cannonier pour l’entretien des batteries, pourtant démodées. L’armée déclasse alors le Fort qui n’a plus qu’à vivre sa vie, ou plutôt as mort. Il suffit d’aborder à Fort-Boyard pour emporter tout ce qui reste, les pillards emportent dans leur rafiot les portes, les fenêtres, les épais volets de bois massifs, les lambris, les bronzes et les canons.

FAITES SAUTER LES CANONS !

On a même vendu les canons à d’autres ferailleurs qui, pour les emporter plus facilement, les font sauter sur place à la dynamite. A la fin des années 30, le port d’accès et l’éperon de protection subissent d’irréparables dommages. Personne ne veut du fort ! En 1931, le gouvernement le met en location pour 300 francs par ans. Seuls, 2 candidats se sont présentés. pendant la seconde guerre mondiale, les Allemands méprisent ce lieu : ne l’occupant même pas, ils se contentent de s’exercer au canon sur ses murailles d’où volent les mouettes. Dire qu’un siècle plus tôt, Fort-boyard était réputé comme l’un des lieux les plus stratégiques de France, selon Napoléon. En 1801, celui ci sait que pour repousser les attaques éventuelles des Anglais, il a besoin de ce Fort. le projet remonte à Vauban ! Pour protéger « le plus grand et le plus bel arsenal qu’il y ait au monde », à Rochefort, alors simple village des Charentes, il faut ce fort en pleie mer. l’emplacement idéal existe : un banc de sable mentionné pour la première fois en 1585, sous le nom de Banjaert Hollandais (banc des Hollandais) et qui devient Boyard, par déformation, sur les cartes Françaises. Napoléon nomme une commisiion de militaires et de civils pour en dresser les plans.

Dur, dur ! on achemine sur place les blocs de pierre, extraites des carrières de l’île d’Aix, pour batir l’enrochement qui supportera le Fort. A cause des marées, on ne peut travailler que quelques heures par jour, à la belle saison. Dur, dur ! On convoite les blocs de pierre sur les gabarres à voiles. Trop chargées, elles sont souvent éventrées par leur cargaison. En 1805, on compte en permanence 500 ouvriers sur le chantier. Les 4 et 5 août 1808, l’empereur visite « son » chantier et décide que le Fort sera réduit de moitié : 40 sur 20 mètres, et seulement 26 canons. 7 ans plus tard, quand de l’île d’Aix voisine, l’empereur part pour l’exil, il voit lui même que les travaux ne sont toujours pas terminés !

Depuis 1802, on a dépensé 3,5 millions de francs (ndw : francs de l’époque) pour le Fort. Les travaux vont être abandonnés pendant près de 30 ans. La construction reprend en 1849 jusqu’en 1859. D’abord Fort militaire puis prison il reste depuis, un vaisseau de pierre à 3 ponts, échoué pour l’éternité sur son rocher avant d’être « sauvé » par la télévision.

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